Je comprends ta fascination sur cette photo effectivement très belle et d'une qualité incomparable par rapport à celle que je vais ajouter en fin de post.
Comme tu le verras, j'ai été aussi saisie par la scène qui se déroulait sous mes yeux, et dont je peux te dire qu'elle date de mars 2010, sur une petite route qui s'échappe de l'Abbaye de Fontgonbault où je m'étais rendue avec une amie pour lui montrer les splendides poteries (nous en avions d'ailleurs ramené une que je conserve précieusement chez moi en Brenne).
Pourquoi telle vue m'a frappée à cette époque déjà, et aujourd'hui encore en regardant la photo que tu as prise ; parce que oui, elle me donne la sensation d'un temps révolu et de quelques êtres persistant à traverser le temps pour être encore là aujourd'hui. Parce qu'ils vivent dans une autre dimension, loin du bruit du monde, au sein d'une société dont ils ignorent au quotidien la débandade de consommation, de futilités, de gâchis (alimentaire, matériel, etc.), ce cyclone qui nous prend à la gorge et qui semble glisser sur eux, sans effet. Parce qu'ils ont conservé un rythme imperturbable là où nous sommes pressurisés par les urgences (fausses urgence souvent), parce qu'ils ne s'agitent pas comme le reste du monde, parce que jusque dans leur robe austère ils dénotent, ces êtres, comme s'ils venaient d'une autre planète...
Et aussi parce qu'ils nous relient malgré nous à une époque révolue, d'autrefois, que nous avons pu effleurer si nous avons fréquenté les institutions religieuses, ou simplement parce que jadis ils faisaient partie du paysage. La religion existe toujours, mais la forme a beaucoup changé dans les villes. Les prêtres sont désormais habillés en civil, ils jouent à la belote et boivent de l'armagnac (oui, oui, je l'ai vu de mes yeux), ou tout simplement quand on les croise ils apparaissent comme n'importe quel homme civil, athée ou pas.
Pour te donner une idée, le prêtre de mon patelin en Aquitaine sait très bien que je ne fréquente pas son église, sauf pour accompagner mes amis pour leur dernier voyage. Il n'empêche qu'il ne manque jamais de m'embrasser quand on se croise, et me demande de mes nouvelles et des nouvelles de mes enfants, comme si nous faisions partie de la même communauté (D'ailleurs nous nous tutoyons depuis des lustres, et je l'appelle par son prénom). Quelque part, il n'a pas tort, nous faisons partie de la communauté des humains, quelles que soient notre condition sociale, nos convictions religieuses ou politiques. Mais ce que je veux dire par là, c'est qu'il est aussi abordable et simple que n'importe quelle connaissance de la ville quand on le croise.
Il y a donc à mon sens ce lien qui perdure ; se saluer (un prêtre connaît tout le monde, il baptise, marie, enterre, mais aussi il est proche des familles socialement démunies, il est de toutes les fêtes, de tous les événements) et parler quelques minutes sur la place du marché fait partie d'une scène habituelle.
Ces religieuses dans leur robe noire et leur voile, bien que d'hier sont encore là aujourd'hui. Elles dénotent de plus en plus, et si autrefois l'on ne se posait pas trop de questions sur leur choix et leur mode de vie, aujourd'hui la différence est si énorme par rapport à l'explosion des progrès technologiques, que cela donne ce que tu exprimes : un sentiment étrange, presque impalpable.
Un lien qui traverse le temps, inapproprié à l'époque d'aujourd'hui. Drôle de confrontation...
C'est un peu comme si l'on voyait des instituteurs revenir avec leurs blouses grises d'autrefois...
Je m'étais dit exactement la même chose que toi, en 2010, et j'avais ressenti la nécessité de réfléchir pour comprendre ce sentiment, d'où mon tout petit résumé ci-dessus.
Par contre, il est certain que le spectacle est très beau esthétiquement parlant, un régal pour les yeux. L'envolée des plis des robes et des voiles porte quelque chose de l'oiseau noir, que symboliquement je rallie un peu à l'Aigle Noir de Barbara. Ou du corbeau que tu m'as expliqué. En tout cas, l'oiseau noir dans la campagne, sur un petit chemin presque perdu, pas encore tout à fait, mais presque.
Pour ma part, une image que je trouve follement belle et attirante, que je verrais bien en scène, tu vois. De celles qui font galoper l'imaginaire et la créativité.
J'arrête parce que j'aurais encore un milliard de choses à en dire sur le plan de la réflexion personnelle, pas forcément intéressantes parce qu'aucune pensée ne peut être cloisonnée à mon sens, et qu'il faudrait alors aborder bon nombre de sujets satellites.
J'ai souri en voyant ta photo l'autre fois, et depuis j'avais recherché la mienne ici dessous, de très mauvaise qualité, prise avec un appareil qui yoyotait sérieusement, sur le point de rendre l'âme. Amen.
Mais voilà, il n'y a pas de hasard, regarde
![Image](http://img713.imageshack.us/img713/6926/montbronmars2010115.jpg)